Inde: la fin annoncée de l'extrême pauvreté dans l'État de Kerala fait débat
En Inde, le Kerala affirme depuis peu en avoir fini avec l'extrême pauvreté. C’est une première parmi les États d'Inde, un pays qui reste encore souvent associé aux scènes de misère. Le Kerala est un État communiste, avec de fortes politiques publiques dans la santé ou l'éducation. Sur place, certains jugent cependant que l'annonce de la fin de la pauvreté est précipitée. De notre correspondant à Kerala, La maison de Rajan et Jayanthi, au carrelage impeccable, a été inaugurée il y a moins d'une semaine. Le couple, qui habite la région montagneuse et tropicale de Wayanad, en Inde, revient de loin. « J'étais conducteur d'auto rickshaw. Mais durant le Covid-19, j'ai eu un grave accident. Je suis resté en chaise roulante. Ma femme et mes deux enfants ont été soudainement privés de revenus. Nous survivions dans une cabane, sans espoir. Heureusement, le gouvernement est venu nous aider », raconte Rajan. Grâce au programme d'éradication de la pauvreté, Rajan et Jayanthi achètent une mini-échoppe, puis reçoivent un apport pour construire leur maison. Aujourd'hui, le couple relève la tête, comme d'autres, explique un élu local. « Dans le district, nous avons identifié 118 familles comme extrêmement pauvres. Avec notre aide, 22 ont pu construire une maison, six ont eu des terres à cultiver, 43 ont bénéficié d'aide alimentaire, 14 ont pu trouver un boulot, etc. » Sarojini, une femme isolée, en a aussi bénéficié. « J'ai 60 ans et je travaillais dans l'agriculture, en gagnant un peu plus d'un euro par jour. Désormais employée dans des toilettes publiques, je gagne plus de trois euros. Ça a vraiment changé ma vie. » « Plus personne ne fait face à une pauvreté extrême » Le plan contre la pauvreté du Kerala, encore aujourd'hui dirigé par le Parti Communiste, remonte à 1997. En ce mois de novembre, le dirigeant de cet État du Sud affirme qu'il a atteint cet objectif fondamental. « Il y a 50 ans, les chercheurs nous classaient parmi les États les plus défavorisés de l'Inde. Aujourd'hui, plus personne ne fait face à une pauvreté extrême au Kerala », souligne Pinarayi Vijayan. Mais comment définir la pauvreté extrême ? Si la Banque mondiale se base sur le salaire quotidien, le Kerala mélange critères économiques, sanitaires et alimentaires. L'économiste P. R. Kannan déplore un manque de transparence : « Le Kerala avance, c'est indéniable. Mais avant d'affirmer que la pauvreté a disparu, le gouvernement doit publier ses données, sa méthodologie et les experts qui ont encadré ces statistiques. » Les aides du gouvernement échappent aux personnes isolées Nusrath, une élue de l'opposition à Wayanad, nous a emmenés rencontrer des habitants ignorés, selon elle, par les programmes du gouvernement. « Il y a des gens qui, parce qu'ils sont trop isolés, échappent encore aux aides gouvernementales. Si nous, dans l'opposition, validons que la pauvreté a disparu, les budgets vont disparaître alors qu'ils en ont encore grand besoin ! » Pour l'instant, le gouvernement du Kerala n'a pas clairement répondu aux experts et opposants qui jugent qu'il crie victoire trop rapidement.