Madagascar: l’alliance française d’Antananarivo, premier centre d'examen de langue française au monde
Selon l’Académie Malagasy, moins de 16% de la population de cette ancienne colonie française parlerait aujourd’hui français. Si à l’échelle du pays, de moins en moins de jeunes parlent donc la langue de Molière, ils sont cependant chaque année plus nombreux à s’inscrire à l’examen « Delf/Dalf » de français, organisé par les Alliances françaises du pays. Avec un objectif : obtenir le précieux diplôme, émis par le ministère de l’Éducation nationale français et reconnu internationalement pour poursuivre leurs études à l’étranger.
Reportage en pleine session d’examen à l’Alliance française d’Antananarivo, le plus gros centre d’examen Delf/Dalf du monde qui a accueilli l’an dernier 7 700 candidats, avec notre correspondante Sarah Tétaud
« Je réitère, j’insiste. Est-ce que tout le monde a bien émargé ? C’est très important sinon votre examen ne sera pas validé » rappelle un surveillant au micro.
Ce jour-là, à l’Alliance française d’Antananarivo, ils sont 1 200 candidats concentrés, prêts à en découdre avec l’épreuve orale collective. Devant sa table, Célia, 20 ans, est étudiante en psychologie : « J’aimerais continuer mes études à l’étranger, il me faut le diplôme B2 minimum. »
De l’autre côté de l’allée, Tefinanao, 22 ans, étudie la gestion : « C’est nécessaire pour les dossiers, pour certaines universités, dans les pays francophones. »
Deux rangées devant, Floriniaina, 54 ans, fait presque figure d’exception : « Si je suis là aujourd’hui, pour passer l’examen, c’est parce que je suis enseignante au collège secondaire. Je veux augmenter le salaire et l’échelon. »
Si l’examen attire pas mal de fonctionnaires, qui peuvent, en cas d’obtention du diplôme, bénéficier d’une modification dans leur avancement de carrière, les candidats du jour sont, pour plus de 50%, des étudiants.
De quoi réjouir Patrick Bosdure, le conseiller de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade de France à Madagascar, venu observer le déroulement de l’examen : « La priorité, c’est bien évidemment l’attractivité de notre enseignement supérieur et de faire en sorte que la plupart d’entre eux puissent partir en France, étudier, soit en sciences humaines, ou en sciences dures, mais surtout partir en France, puis revenir ici à Madagascar avec une formation à la française, pour commencer une carrière pro. Non, ce n’est pas encourager la fuite des cerveaux, puisqu’ils doivent revenir ! »
Ce diplôme de langue française, rappelle Patrick Bosdure, ne facilite pas l’obtention d’un visa, mais seulement l’inscription à l’université. Toutefois, selon lui, les étudiants de la Grande Île ont la cote : « Les Malgaches qui partent étudier en France réussissent généralement très bien. Donc, ils bénéficient d’une excellente réputation dans notre système d’enseignement supérieur, donc leur candidature est très largement vue de façon très favorable. »
Chaque année, 1 000 nouveaux étudiants malgaches arrivent en France. Jean-Patrice Rakoto Ramiarantsoa, professeur de français à l’Alliance française depuis 10 ans, se plaît à penser que certains des 4 500 étudiants actuellement présents dans l’Hexagone sont passés par sa classe : « Ils sont conscients qu’on a vraiment besoin de la langue française aujourd’hui. »
Mais après cinq décennies marquées par des changements de politiques vis-à-vis de l’apprentissage et de la place du français dans la société, même réhabilité aujourd’hui, il demeure, 130 ans après son arrivée sur l’île, une langue de l'élite.